Un jour de pluie à New York : Adaptation ciné de L'attrape coeurs ?

" La ville a pris le dessus " déclare solennellement Gatsby ( Timothée  Chalamet ) à sa mère pour résumer sa malheureuse escapade à New York.







En une phrase, la problématique du cinquante troisième film de Woody Allen est posée :


Le cinéaste ayant renoué avec le décor de ses plus grands succès voit son intrigue ainsi que ses personnages relégués malgré eux au second plan. New York a pris le dessus en prenant le film en otage, il met en exergue que les illusions de la jeunesse sont emmenées à se perdre dans l'immensité des grandes villes ( donc de la réalité ).Un thème que l'on retrouve chez les auteurs de la génération perrdue américaine qui usent souvent de ce contrepoint littéraire ( "Side of Paradise" et l'errance initiatique d'Amory Blaine, " Catcher in the Rye " et la retraite new yorkaise d'Holden, mais également " Bartleby "et le célèbre " Gatssby" pour ne citer qu'eux.)


Ce film est celui du bilan : son réalisateur tacle avec humour sa propre oeuvre et revient sur ses jeunes années avec beaucoup d'autodérision. Woody Allen a quatre-vingt trois ans. Il a acquis le droit de mettre au pilori son propre métier ( à travers le personnage de Pollard, le réalisateur torturé ) et d'imaginer un alter égo idéalisé ( Gatsby, son héros possède l'ensemble des qualités qu'Allen idolatre tout en conservant une vision juste de lui-même et des autres.)



New-York est une fête ?


Une mélancolie croissante hante le film.

 Nostalgie d'un temps passé où l'on sortait encore le grand jeu pour séduire sa dulcinée,  souvenir jauni d'une jeunesse qui se servait encore de porte cigare, Woody Allen fige le temps afin de donner à son public la pleine dimension de son message.

Cette époque n'est plus mais pourtant , quand on y regarde bien, elle ne demande qu'à renaitre de ses cendres. Aussi le personnage de Chan ( Selena Gomez) illustre pleinement ce phénomène. Ne parvenant pas à se construire, elle se laissera peu à peu apprivoiser par l'atypique Gatsby, dont les manières autant que les idéaux semblent tout droits sortis d'un roman de Gertrude Stein.

Et oui, le mal de vivre de ces jeunes gens est omniprésent et on peut considérer que le véritable enjeu de ce long métrage est là : comment vont-ils échapper à l'ennui auquel ils sont inévitablement voués ? Qui va réussir à aimer la vie ? Lequel d'entre eux se laissera happer dans une vie mécanique ? Comment ce jour de pluie va t-il prendre fin ?


Gatsby étudie sans conviction dans une université qui ne lui correspond pas , fuit sa famille et la bourgeoisie dans laquelle il a été élevé, s'entiche d'une potiche avec qui il n'a pas de points communs, rumine ses années de lycée et ne se voit pas d'avenir heureux. Autant de qualités qui pourraient faire de lui un parfait héros d'une oeuvre de la génération perdue. Nous retrouvons d'ailleurs les mêmes travers que ceux d'Amory Blaine de " Side of paradise" écrit par Fitzgérald en 1920 considéré comme le premier ouvrage de ce courant. Aussi, le choix de Gatsby pour nommer son héros semble être également un clin d'oeil à cette période. Ironie oblige, dans " The great Gatsby, l'entrée en scène du héros du roman se fait à travers un parallèle cocasse entre l'industrialisation des grandes villes et la solitude de Jay Gatsby.
Woody Allen, ici aussi, joue avec les références pour le plus grand plaisir des initiés.


Ashleigh n'est jamais sortie de son Alabama natal, des idéaux sortis de vieux bouquins la regissent, elle ne possède aucun code social et ses répliques désuètes illustrent pleinement ses limites intellectuelles : si la jeune fille aspire, contrairement à son amoureux, à laréussite, son manque de reflexion de clairvoyance la conduira dans de mauvais chemins.
Les jeunes gens qui se succèdent tout au long du film sont caricaturaux, gauches et idéalistes : le réalisateur est nostalgique de sa propre jeunesse aussi se charge t-il de pointer du doigt la défaite programmée de ses protagonistes.

Tous se croyent supérieurs aux générations passées mais tous sont incapables de choisir la bonne voie quand elle se présente... hormis Gatsby/ Woody, bien entendu.


En pointant du doigt le malaise de cette nouvelle génération, Woody Allen effectue un parallèle avec une autre oeuvre majeure de la littérature américaine : le célèbre " Catcher in the rye " de JD Salinger, monument littéraire au rayonnement aujourd'hui mondial.


Comme Holden Caufield, Gatsby erre dans la ville sans prêter mot à sa famille,  rencontre une prostituée et ne conclue pas , possède un goût pour les taxis, la theatralisation et l'introspection. Ni l'un ni l'autre ne savent ce qu'ils veulent faire de leurs vies et voient en New York le passage oblige vers l'âge adulte.


L'anti héros principal possède toutes les qualités que Woody Allen apprécie : un goût prononcé pour le poker, une désinvolture apparente, une passion pour le jazz et les belles femmes.Ces caractéristiques appartiennent également à Holden, chose qui avait marqué l'Amérique de l'après guerre, pas encore prête à autant de liberté de plume et de moeurs.
La scène où Gatsby rencontre l'escort girl joué par Rebecca Hall rappelle la nuit qu'Holden a passé dans un hotel de passe. La fusion qui unie le héros de Woody Allen à son frère rappelle également la fascination du personnage de Salinger pour son grand frère.

Et si " Un jour de pluie à New-York" était la première adaptation cinématographique de l'oeuvre de Salinger, une réecriture à l'humour noir et aux dialogues soignés ?
De nombreux points semblent nous le laisser sous-entendre...


 La souffrance du créateur.



En s'appuyant sur le roman de Salinger, il souhaite montrer l'éternel recommencement auquel sont vouées toutes les générations et rend hommage à un joyau de la littérature américaine.
Mais Woody Allen ne s'arrête pas là.

A travers  les aventures d'Ashleigh, la candide Elle Fanning, happée par le monde du cinéma, c'est son propre domaine qu'il pointe du doigt.


Le cinéaste offre une satire cocasse de son propre milieu avec un humour grinçant et des dialogues improbables.


Le réalisateur, Pollard, joué par Liev Schneider est un looser alcoolique, le scénariste ( Jude Law)  un cocu impulsif quant au jeune premier ( Diego Luna vu dans " Dirty dancing 2" ), un infidèle notoire au talent non démontré.


Pas un des personnages issus du cinéma ne rachète l'autre si bien que la jeune Ashleigh se retrouve perdue dans une fête spectaculaire où elle finit dépouillée de ses vêtements... (et de sa naïveté par la même occasion.)


La scène où à moitié nue, elle s'extirpe de l'appartement de l'acteur est riche en symbole :


A l'issue d'une excursion dans le show biz, on se retrouve non seulement sans rien mais également livré à soi-même dans un extérieur que l'on ne connaît pas. Woody Allen n'evoquerait-il pas sa récente mise à l'index ? Allons savoir...


Une magie intacte.


Les jeunes gens étaient venus ensemble à New York afin d'y passer un week end en amoureux.


Bien que séparés par la force des choses, ils finiront par se trouver eux-mêmes. Gatsby en comprenant qu'il doit son spleen à un secret familial trop lourd à porter et Ashleigh en rompant avec ses illusions.
Des adolescents sont arrivés dans la Grosse Pomme, des adultes en repartent.


La magie de ce film est là. On a beau se perdre, on se retrouve.


Il suffit parfois d'un jour de pluie pour que des évidences soient mises en lumière et que de nombreuses vies en soient bouleversées à jamais.


Une nouvelle fois la magie de Woody Allen opère.


On ne peut que saluer le génie de cet artiste qui en dépit de son grand âge et des polémiques dont il est victime parvient encore à surprendre et à émerveiller  son public.


Chapeau bas !

Commentaires

  1. Voici un tel site que je vous conseillerai https://filmstreamingvf.bz/ Où puis-je regarder des films et tout faire gratuitement, personnellement je l'ai vraiment aimé à cet égard.

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