Entre les lignes : 5 clichés sur les écrivains.




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Écrivain : au sens étymologique :

" Personne qui compose des oeuvres littéraires."

Écrivain public :

" Personne qui écrit pour les autres moyennant rémunération."

Disons pour résumer que l'écrivain public est au monde des lettres ce qu'est une nounou dans une famille aisée : la génitrice par intérim.

L'écrivain, lui, est volage. Non satisfait de son projet en cours, il fantasme déjà sur la perfection de son prochain bouquin. L'écrivain est un infidèle notoire.

Ces précisions précisées, le temps est venu de mettre à mal certains clichés que les écrivains se coltinent depuis toujours.







1 - L'écrivain est un intellectuel

Faux. Archi faux.

Un écrivain peut être un intellectuel alors qu'un intellectuel n'écrit pas forcément un écrivain.

Pour prétendre au rang honorifique d'intellectuel, il faut qu'une personne exerçant une profession artistique ou non, s'engage dans une cause qui lui apparaît comme étant juste et s'y investisse au nom du bien fondé de ses idées.

La représentation de l'écrivain  français d'après guerre, défendant un idéal de pensée et investi en politique, comme Sartre, Camus et émules, n'est pas exhaustive. Certes ceux-là offrent une image complète d'écrivains intellectuels mais ils ne sont hélas qu'une minorité.

L'écrivain actuel ne s'engage que peu, de peur de tenir son image mais par crainte de faire fuir son lectorat et ses appuis dans le métier. La faute revient à la propagation du politiquement correct dans l'ensemble des milieux sociaux au point d'en faire une secte légale.

Triste époque.


2- L'écrivain se la coule douce


Nombreuses sont les personnes a considérer le travail intellectuel comme étant un loisir et a seulement valoriser le travail physique.

Je trouve cette conception du travail un peu facile. Au sens de ces ignorants, seuls les ouvriers et quelques autres élus seraient de bons travailleurs tandis que les employés de bureau et autres personnes bossant assises dans un fauteuil, des flemmards notoires.

Cela vous semble un brin ridicule n'est ce pas ? Mais je l'ai souvent entendu.
Au point de préférer éluder quand on m'apostrophe à ce sujet.

Ce que les gens oublient c'est que derrière l'écriture se cache une préparation énorme. Il nous faut faire une investigation parfois interminable pour que notre oeuvre soit credible, réécrire un premier jet à l'infini, changer quatre fois de relecteurs avant de trouver la personne prompt à bosser avec nous, dénicher le meilleur contrat d'édition, ect,ect.

Pour l'écrivain public, il faudra être un modèle de discrétion et de patience.
En un mot, se faire tout petit avec une pression grosse comme le monde.
Et oui, on va devoir  écouter parfois des semaines durant les récits des clients afin de faire sa part du contrat de façon impeccable.
Sans compter sur la mise en page, les éventuelles corrections, la recherche de prochains contrats, ect ect.

Alors, vous considérez encore que l'écriture est un havre de paix ?

D'accord nos horaires sont flexibles et nous pouvons bosser un peu partout mais c'est justement cette liberté qui peut nous démotiver au point de nous éparpiller.
Pour compenser ce manque de hiérarchie directe, on se doit de se montrer constamment rigoureux. Tandis que l'ouvrier se détend après sa journée de boulot,nous autres sommes obligés de conserver une hygiène de vie irréprochable afin de ne pas perdre notre plume...


3- L'écrivain est solitaire


Vrai !


Il n'y a pas de mystère.

La solitude est indispensable à la création. Plus nous sommes entourés, plus nous allons être distraits et remettre au lendemain ce que nous aurions pu faire aujourd'hui.

Le cap étant difficile à garder, la silhouette de nos personnages encore fragile, être seul est inévitable.
Il s'agit d'un luxe que nous avons. Un des avantages les plus considérables de ce métier : celui de ne pas avoir à fréquenter des collègues de travail avec lesquels nous n'avons aucune affinité.

Bien sûr, en ce qui me concerne, il m'arrive parfois de chercher de la compagnie auprès de vieux amis histoire de conserver une vie sociale convenable mais cela demeure assez occasionnel.

Pourtant, ce qui est paradoxal,c'est que la vie quotidienne est la seule à nous fournir une inspiration digne de ce nom.
A égalité avec les faits d'actualités.
Voilà pourquoi il me faut parfois sortir de ma tanière pour embrasser l'extérieur. Le travail d'observation commence.

Quand je me rends à une soirée, j'observe les autres s'amuser d'un oeil faussement distrait. Ils m'impressionnent au fond, ces buveurs de gin qui se croyent séduisant dès qu'ils ont de la farine dans le nez. Je les regarde avec attention entre deux pauses clopes/pipi.
Je ne comprends pas comment un peu de musique et de vin peuvent suffire à faire danser des adultes sains de corps et d'esprit. C'est fascinant.
J'admire leurs capacités à se montrer minables, je n'en ai jamais eu le courage. La faute a une fierté d'enfant unique au monde sans doute qui veut que je crois trop bien pour une déchéance publique.

Des inconnus se roulent des patins avant d'échanger leurs snaps, certains vomissent sur les parkings et moi je suis une voyeuse dissimulée dans une robe festive qui m'inspire de la défonce des autres pour en tirer quelque chose.

Je contemple la fête au lieu de la faire, intriguée comme une nonne devant un porno. Je m'en vais au dodo.


4 - L'écrivain est fou

Oui et non.

Evidemment, nous tentons de canaliser une certaine forme de noirceur, c'est certain mais de là à parler de folie dans le sens littéral du terme, je dirais non.

J'ai pourtant entendu un bon nombre de fois des personnes faire des rapprochements entre l'imagination et la folie. Je crois que ceux-là mériteraient qu'on leur crève les pneus de leurs voitures. Ils ne sont pas terminés.

En revanche, on ne peut nier que l'imagination est ,certes, un outil de travail indispensable à tout romancier mais c'est également un handicap dans la vie quotidienne.

La tête dans les étoiles, en train de déformer une réalité qui ne nous convient que peu, combien de fois passons-nous pour des attardés mentaux ?

Alors si, comme à mon instar. vous êtes poisson ascendant gemeaux, ne cherchez plus à avoir une discussion complète avec moi : mon esprit navigue trop loin pour vous.

L'imagination c'est un paradis secret, un refuge uniquement accessible par soi-même et parfois, cet éden se transforme en enfer. Le tout étant de se connaître afin d'apprendre à se canaliser au mieux.

Créatifs, certes mais également hypersensibles, nous semblons souvent porter sur nos épaules tous les malheurs du monde.
Et pour dire, nous possédons une sensibilité tellement à fleur de peau, qu'il n'en faut pas beaucoup pour nous voir pleurer. En cela aussi, on apparaît comme des inadaptés.

Il y a un revers de la médaille à toute créativité, je dirais qu'il s'agit d'un pass permanent vers les ténèbres, un accès direct vers sa propre noirceur.

Tout se paye.

Aussi, nous pouvons bénir le gars qui a inventé le Xanax, sponsor officiel des auteurs amateurs et confirmés.


5 - L'écrivain est séducteur


Écrivain et beau parleur vont ensemble paraît-il. Mouais.

Répondre " j'écris " quand la personne que vous tentez de séduire vous demande ce que vous faites dans la vie, c'est aussi excitant d'une verveine bue avec votre vieille tante sénile. Ça déprime tant on connaît la suite.

Dans 90% des cas, on vous repliquera d'un air assuré :

_ Tu penses que tu peux faire un livre sur moi ?

Et là pour ma part, un mélange de nausée et d'enervement me gagne. Next. Demain ton numero sera bloqué mon gars. Je ne peux supporter d'entendre pour la millième fois cette phrase toute faite sans risquer de passer pour une hystérique en public. Tu as pourri l'ambiance alors que je te trouvais pas mal.

Pourquoi les gens sont-ils aussi prévisibles?

Pourquoi ressortissent-ils tous les mêmes mots dans l'espoir vain de me voir répondre :

_ Oui ! Tu me sembles être le mec le plus intéressant du monde, je vais faire une saga en dix volumes sur ton extraordinaire charisme et ta repartie hors du commun.

Tout simplement parce que la plupart du temps les gens aiment le familier or ce travail leur étant inconnu, ils préfèrent feinter et se ridiculiser par la même occasion.

Parfois, ils nous arrivent aussi de croire avoir fait une bonne rencontre ( 10% restant) mais surviennent alors deux comportements tout aussi prévisibles que la réponse précédente :

Certains essaient de nous côtoyer dans l'espoir que nous écrivions un livre avec eux. Ceux-là croient sans doute encore au père Noël surtout que raconter le dernier anniversaire d'une quinquagénaire varroise ( véridique ) n'a rien d'allechant.

Puis il y a ceux qui ont griffonnés quelques mots sur un calepin et qui désirent que nous les aidions à trouver un éditeur. Logique.

S'il est certain que les écrivains écrivent de plus belles lettres d'amours que Monsieur et Madame Tout le monde, il va de soi que nous ne sommes pas les numéros un en matière de séduction attendu qu'une armée de parasites viennent se glisser dans nos jambes et que nous devons déjà nous concentrer pour les neutraliser. Le reste vient après. Il nous faut déjà démêler le vrai du faux et je peux vous dire que cela prend un temps et une énergie considérable.

Admettons que nous trouvions la perle rare, ce n'est pas gagné pour notre partenaire qui va devoir composer avec sa rivale principale : la création.

Mais aussi parce que nous aimons notre tranquillité et notre petit confort mais surtout parce que nous sommes plusieurs dans notre tête.

Un névrosé, un bout en train, un nostalgique et un idéaliste qui se relayent tous les jours pour donner un peu peps à notre vie. Les belles paroles empruntées à notre dernier bouquin que nous debinons dès qu'on en a l'occasion, font pâles figure à côté. Nous sommes des beaux parleurs certes et quand on sent l'autre de barrer, on noircit un petit poème sur un morceau de papier histoire de rattraper la sauce. C'est comme ça, on y peut rien. Les mots viennent à notre secours même quand ce sont eux qui nous mettent au fond du trou.

Alors, on aime toujours les écrivains ?


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Ok, je le concède, j'ai un peu forcé le trait.
Échange de bons procédés comme on dit ! 






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