De proie à complice : portrait de la victime du PN


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Nombreux sont celles et ceux à pretendre avoir croisé la route d'un manipulateur pervers narcissique.
Certains ont pris goût à cet engouement populaire dont les médias semblent raffoler depuis la sortie en salles de " Mon Roi" ( 2015) tandis que d'autres cherchent à rendre légitime leur désir de rompre avec leur partenaire.
Pourtant, les probabilités de rencontrer un MPN sont maigrichonnes : seulement 2 à 3% de la population est concernée par ce trouble de la personnalité.
Les statistiques baissent encore en ce qui concerne la possibilité de devenir soi-même une proie potentielle pour un pervers narcissique. 

Contrairement aux idées reçues, le PN n'officie pas qu'en amour même s'il s'agit du terrain où il peut exercer son emprise de la façon la plus durable.
Que ce soit en amitié, dans le travail ou encore dans le voisinage, le pervers peut très bien s'adapter à sa proie.
Cette dernière doit posséder, comme son bourreau, une faille narcissique de taille, rendue béante par des événements extérieurs ( deuil, chômage, dépression, rupture sentimentale, maladie...) ou par une personnalité propice à l'abnégation ( croyance, éducation...).

Autrement dit, comme on ne tombe pas sur des pervers narcissique à chaque nouvelle rencontre, on ne devient pas une proie par simple contact.

Il nous faut, non seulement, être avoir des prédispositions mais aussi être très  affaibli pour entrer dans une relation d'emprise avec un PN.

Quel est le portrait de la victime idéale ? Pourquoi reste t-elle si longtemps dans cet Enfer mais surtout pourquoi ne quitte t-elle pas le pervers narcissique?

Autant de questions auxquelles je vais tenter de vous répondre.


De victime à complice ?


Pour susciter l'intérêt macabre d'un PN, la proie potentielle doit être une personne différente. Sans cette différence, un être aussi mégalomane qu'un PN ne peut s'attarder longtemps. 

Par différence, j'entends originalité, créativité, empathie, sensibilité. Autant de caractéristiques qui attirent le pervers narcissique attendu qu'il en est totalement dépourvu.

Rappelons que le MPN est un individu dépourvu d'affect, englué dans un abyme émotionnel dans lequel il cherche désespérément à ne pas sombrer. Pour se faire, il se doit de faire couver à un tiers son mal être et sa souffrance au risque de sombrer dans la schizophrénie.

La proie sert alors de défouloir qu'il pourra rendre responsable de ses malheurs afin de ne plus être confronté au vide qui le régit.

La victime doit, donc, posséder une faille narcissique et un manque de confiance en elle pour s'avérer sensible à la culpabilisation dont le PN raffole. 

Intelligente, ouverte, se remettre en question est naturel pour elle chose que le pervers narcissique, en bon psychologue, détectera rapidement.

De plus, l'empathie et l'altruisme, l'amour de l'autre mais aussi un certain idéalisme sont obligatoires pour que la proie soit sensible à la manipulation perverse. 

Le PN utilisant le triangle de Karpman
 ( sauveur / victime / bourreau ) pour assoir son influence, il ne peut que choisir une victime qui possédera suffisamment de bienveillance et de candeur pour accepter son comportement sur le long terme.

Le syndrome de l'infirmière mêlé à une immaturité émotionnelle latente rendra la proie incapable d'abandonner cet être en perpétuelle souffrance. 

Souffrance bien réelle mais poussée à l'extrême par un PN aussi comédien que charismatique, qui saura en peu de temps, se rendre totalement indispensable.

Omniprésent dans la vie de sa proie, directif comme un petit tyran mais aussi paternaliste et condescendant, le PN alterne ses différentes facettes sous l'oeil paralysé de sa victime. 
Cette dernière, affaiblie par le chaud et le froid, par l'alternance d'autorité et de douceur, ne pensera plus qu'à améliorer cette relation naissante en adaptant son comportement à l'humeur de l'autre afin, non seulement, de s'en attirer les bonnes grâces mais aussi de voir le PN enfin apaisé.

En vain.

Le jeu du chat et de la souris n'en est alors qu'à son premier round.


L'emprise.

Qui dit emprise dit endoctrinement. En bon gourou de maternelle, le MPN est un petit tyran domestique, un escroc émotionnel, un vampire en plein jour qui ne cherche qu'à dominer autrui afin de retrouver une estime de lui-même digne de ce nom.

Pour un pervers narcissique, les relations se nouent pour des intérêts divers. Jouer avec les émotions des autres, créer un semblant de normalité, briller en société, en voilà quelques uns bien que la liste ne soit pas exhaustive.

Au début de la relation, le PN représente l'incarnation vivante des attentes de la proie. Rêve ambulant, en bon parleur et en parfait inspecteur, il saura, après quelques recherches nécessaires attirer sa victime en utilisant les bons mots. 

Mieux que personne, le pervers narcissique saura cerner ce qui pourra lui faire marquer des points. La proie pensera avoir rencontrer ce que les romans sentimentaux décrivent comme l'âme soeur, cet être fait pour elle, venu sur terre pour lui apporter le happy end tant espéré.

Ils vécurent heureux jusqu'à la fin des temps...ouais... mais pas ensemble !

De promesses en déclarations, le PN boit les paroles de sa victime tout en gardant le silence sur son propre passé. Il retiendra les failles pour mieux les réutiliser plus tard et se montrera jaloux du reste. Pour le moment, il arbore un magnifique sourire et une assurance à toute épreuve. PN est en lune de miel. Il a eu le coup de foudre pour cette personne qu'il envisage comme la victime parfaite ( le tout inconsciemment bien entendu).

La victime n'en croit pas ses yeux ni ses oreilles. Le gendre idéal ( ou la femme de ses rêves ) se trouve devant elle assis à ses côtés. Elle ignore encore qu'il ne s'agit que d'un mirage dont les belles paroles, prononcées pour elle suite à une fine analyse psychologique et un désir ardent de la posséder sont aussi réelles que le chant des sirènes tant apprécié en mythologie.
Une fois la séduction passée, le PN va alors revêtir un nouveau masque. 

Il va alors commencer doucement à souffler le chaud et le froid pour tester les limites de sa victime. A ce stade, il peut encore battre en retraite si cette dernière émet trop de résistance et de clairvoyance.

La proie, ne comprenant pas pourquoi ce prince charmant se transforme peu à peu en horrible crapaud, va alors chercher chez elle, les raisons pour lesquelles son comportement est si différent du début. Pensant avoir commis un imper, une réflexion de chaque instant va alors faire irruption dans sa vie : PN vient de prendre possession de ses pensées. Il ne les quittera  qu' après la rupture.

Plongée dans un paradoxe grandeur nature, prise en otage entre les promesses et la distance, la proie va alors prendre le parti ( inconsciemment encore) de choisir le meilleur, à savoir les belles paroles du PN, et de ne pas s 'attarder sur le reste.
Une fois le mécanisme de déni enclenché, l'emprise peut perdurer.
Pour accepter de débuter une histoire aux bases si incertaines, il apparaît comme une évidence que la victime doit posséder un certain manque de confiance en elle. Dépourvue d'assurance et ouverte d'esprit, elle ne sera pas effrayée par ces prémices un brin litigieux auxquels une personne totalement équilibrée n'aurait donné suite.

Au contraire, une fascination de chaque instant va alors naître. Une relation particulière l'unira au PN, une admiration mais aussi une volonté de comprendre l'incompréhensible, d'aider celui qui n'a pas besoin d'aide, de rendre heureux une personne qui se complaît dans les ténèbres.
Se muant en faire valoir, la proie verra sa liberté diminuer de manière considérable au fil des ans. Bien souvent ce sera elle-même qui prendra la décision de se renfermer sur elle et de limiter ses contacts avec l'extérieur afin de satisfaire l'autre. 

La peur également de le perdre mêlée au désir de tranquillité la poussera à accepter les requêtes farfelues du PN qui, pour sa part, ne songe qu'à isoler sa proie pour réduire ses possibilités d'avoir le fameux déclic synonyme de séparation.
Pour en arriver à ce stade, la victime se doit d'adopter une position de soumission extrême. Pour se faire, il faut que son éducation soit suffisamment rétrograde pour accepter le comportement de son bourreau mais également de posséder une conception de l'amour qui se rapproche de l'abnégation.
Celle-ci associe ,de manière plus ou moins inconsciente, la souffrance à la preuve d'amour.
Aussi, l'alliance du PN qui ne cherche qu'à assoir sa domination sur autrui et de la proie qui érige le sacrifice au rang de consécration amoureuse ne peut que se renforcer.


La peur comme point commun.



Si le PN craint par dessus tout de voir sa proie lui échapper, ce qui représenterait une abominable défaite, sa proie quant à elle, est rongée par la peur de l'abandon.
Possédant une faible estime d'elle-même, affaiblie par diverses attaques, elle ne peut considérer pouvoir être aimée de manière légitime. La crainte de voir le PN lui préférer une autre ou d'être simplement quittée, lui est insupportable.

Le pervers narcissique ne pourrait supporter d'être abandonné par sa victime, son pouvoir serait sérieusement remis en cause tandis que cette dernière ne se verrait pas vivre sans lui.

Dépendants mutuellement, liés à l'autre par des chaînes invisibles tissées par la peur, nul ne se croit capable de survivre dans la solitude. 

Pour garder sa proie, le PN va faire en sorte de la brimer assez pour annuler ses mécanismes de défenses internes. Le surmoi est alors atteint. L'inconscient est envahi. L'étau se resserre.









Les fausses croyances


Les femmes victimes de pervers narcissiques sont souvent conditionnées pour accepter la soumission. Plaçant l'homme en chef de famille en raison de la reproduction d'un schéma familial connu depuis l'enfance, elle ne peut qu'accepter les demandes du PN, souvent machiste, qui font de lui un petit chef de pacotille obnubilé par le contrôle.
Dépendantes affectives, enclines à changer pour satisfaire l'autre, ces femmes rétrogrades s'enlisent dans un quotidien rythmé par les crises du PN.
Tantôt boudeur tantôt colérique, ce dernier joue avec la docilité de sa victime en lui faisant croire qu'il est, non seulement, le seul à la comprendre mais également le détenteur de la vérité absolue.
Tout au long de la relation, le PN va faire en sorte d'inculquer de fausses croyances à sa victime.

La première étant qu'elle est coupable du comportement de son bourreau.
En effet,seule à porter le poids des bas de l'histoire, elle sombre dans la culpabilité et de ce fait, offre l'immunité au PN qui lui peut continuer à la manipuler à sa guise sans être incriminé

La seconde croyance utilisée par le pervers ( et pas la moindre ) est que sans lui, la victime n'est plus rien.

Croyance tellement répétée que finalement apprise comme une leçon d'SVT qu'elle finit par devenir momentanément vraie.
La proie, paralysée et dépourvue de défense psychique ne peut plus raisonner par elle-même et devient, de ce fait, extrêmement réceptive aux opinions émises. Celui du PN en particulier. Ainsi, sans un guide ( sans PN), elle devient incapable de se protéger des agressions extérieures ( qui demeurent généralement moins importantes que les attaques quotidiennes).

Lors des phases de silence radio provoquées par le PN pour déstabiliser sa proie, cette dernière se met à explorer des comportements à risques ( alcool , jeu, médicaments...) lesquels finissent inévitablement par la conduire vers le mur. La victime, constatant que dans l'absence du manipulateur son quotidien se désagrége, finira par idéaliser la relation toxique tout en rêvant que le PN la recontacte.

La croyance jusqu'alors disséminée dans un discours abstrait prend vie. La proie est alors convaincu que sans le pervers elle n'est plus rien ni personne.
En ajoutant un nouvel acte à la relation, le PN endossera le rôle du sauveur. Le triangle de Karpman dûment respecté, il ne lui faudra que quelques semaines avant de redevenir bourreau...

Comme troisième croyance, il faut compter sur l'idée engendrée par le pervers que le monde extérieur est maléfique.
La proie est convaincue que tout le monde lui en veut. Le PN, en excellent stratège, a décidé dès les prémices de la relation de protéger ses arrières. En isolant sa proie, en plus de maintenir l'emprise, il fait en sorte que ses infidélités ne soient jamais  révélées. Adepte des multiples vies, la monogamie n'est que peu appréciée par le pervers qui n'hésitera pas à tromper sa proie. Tromperies qui pourront éclater au grand jour à son bon vouloir, si celui ci désire utiliser cette arme pour déstabiliser sa victime mais qui généralement iront mourir dans les affres de l'oubli narcissique. PN a des tas de conquêtes mais une seule proie...Et rares sont celles et ceux à remplir la totalité des critères nécessaires pour obtenir un tel poste !


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Ce n'est qu'en prenant conscience que ces croyances ne sont que des méthodes de manipulation qui n'existent que si l'interlocuteur est suffisamment sous influence pour se les approprier que la victime pourra se libérer. 

Le PN existe tant qu'il y a une proie pour entretenir cette relation.


La victime et le pervers ne sont que les mêmes facettes d'une même faille narcissique, ils se complaisent tout deux dans une dépendance crée de toutes pièces par une peur irraisonnée de l'abandon. 


La proie n'est plus proie sans le PN qui lui offre une reconnaissance narcissique qu'elle n'a jamais obtenue par le passé. Le PN sans sa victime sombrerait doucement dans la schizophrénie. 
Ce dernier est sous l'emprise de ce tiers sans qui il prendrait le risque de se retrouver seul avec lui-même. 

Tous deux ont besoin de l'autre pour panser les plaies causées par une intériorité déficiente. 

Tous deux ne peuvent prendre le risque de se retrouver en tête à tête avec leurs démons même si ceux de la victime ne demandent qu'à être éliminés...



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